Half-Cast
[Gopal - Série "Natures Mortes"]
Je regarde ce pays à la croisée des mondes depuis mon lieu de travail où je suis 10h par jour et je suis fasciné.
Loin des paysages et des recoins de la ville que je n'ai pas le bonheur de pouvoir arpenter, découvrir et visiter, c'est au contact de ses enfants, et de leurs familles que je tente de m'y glisser. Mon fils qui m'a souvent parler de sa différence, qu'il a pu ressentir au niveau de sa couleur de peau ou de ses tenues vestimentaires bon marché, se fond non sans une certaine hésitation timide dans cette masse comme un poisson dans l'eau.
Puisque l'individu construit son image par le regard de l'autre et son environnement social, c'est évidemment le contexte dans lequel il a évolué jusqu'à maintenant, je dirais même plus largement, le système de représentations qui façonne les petits français (enfants de France s'entend, sans autre distinction) à ne concevoir l'autre qu'en le mettant dans des cases.
Bien conscient qu'il existe ici aussi certaines formes de discriminations, notamment à l'égard des noirs ou encore un système de castes, non-affirmé et ancien, mais bien ancré dans l'esprit d'une grande partie de la population qui entre tacitement en ligne de compte dans les rapports entre individus, je reste perplexe devant tant de mixité culturelle.
Que ce soit, justement, au niveau du phénotype (morphologique) incroyablement varié des personnes, où l'on retrouve l'Asie, l'Inde, l'Afrique Noire et j'en passe, au niveau de la nourriture (très proche de l'Inde), des fruits (poussent indifféremment sur ce sol ferreux pêches, fraises, mangue, papayes, litchis...) ou des légumes, au niveau des paysages, que je n'ai pu approcher qu'en photo pour le moment, j'ai l'impression de toucher à l'essence même du métissage.
A l'image de ce tableau qui symbolise selon moi à merveille cette belle notion, je vis dans un pays où à peine quelques jours après mon arrivée, je me sens chez moi. Je me sens utile aux gens, sensible à leurs difficultés et à leurs joies, à l'écoute de ces jeunes angoissés, malgré tout plutôt privilégiés en comparaison à la majorité de la jeunesse de ce pays, mais tout de même pleins de questionnements et d'incertitudes, qui regardent leur avenir avec une envie altérée par un réalisme bien trop grand, pour des enfants de cet âge. J'observe l'espoir que mettent en eux ces parents démunis, j'essaie de lutter contre une administration rigide qui ne voit ces "individus" qu'en termes de donnée statistiques et qui refuse de s'adapter à leurs nécessités et je me dis que si j'ai un rôle à jouer dans cette vie, il n'a jamais pris autant de sens qu'ici.